Longtemps perçue comme un refuge idéal pour les barons européens de la drogue, Dubaï semble changer de cap avec plusieurs arrestations récentes de figures majeures du narcotrafic international. Face aux pressions internationales, l’émirat du Golfe multiplie les signaux de coopération, marquant peut-être la fin de l’impunité pour ces criminels qui y vivaient un train de vie fastueux.
Un paradis pour les narcotrafiquants
Depuis une décennie, Dubaï est devenu une base arrière pour les chefs de cartels européens. Grâce à une absence de coopération judiciaire efficace, ils pouvaient y résider en toute tranquillité tout en pilotant leurs activités en Europe.
Le cartel irlandais des Kinahan et la « Mocro Maffia » néerlandaise comptent parmi les groupes criminels qui y ont trouvé refuge. Des figures telles que Sean McGovern, haut-gradé des Kinahan, et Faissal Taghi, fils du cerveau de la Mocro Maffia, vivaient dans des appartements luxueux, loin de toute violence.
Arrestations en série : un vent nouveau ?
Les récents mois ont marqué un tournant :
- En octobre 2024, Sean McGovern a été arrêté à Dubaï. Il est accusé de meurtre et de diriger une organisation criminelle.
- En juillet 2024, Faissal Taghi a été extradé vers les Pays-Bas pour trafic de drogue et blanchiment.
- En mars 2024, Nordin El Hajjioui, baron belge, a également été extradé vers la Belgique.
« Les Émirats arabes unis sont déterminés à travailler avec leurs partenaires internationaux pour perturber toutes les formes de financement illicite », affirme une source officielle émiratie.
Un écosystème propice au blanchiment
Les barons de la drogue y trouvent les conditions idéales pour blanchir leurs revenus illicites. Ils investissent principalement dans :
- L’immobilier : villas luxueuses, immeubles dans les quartiers huppés comme Al-Barsha ou Palm Jumeirah.
- Voitures et yachts : des véhicules hors de prix acquis en liquide grâce au système ancestral de « hawala ».
- Commerces : fausses sociétés de conciergerie ou d’import-export.
Des trafiquants comme Abdelkader Bouguettaia alias « Bibi » et Tarik Kerbouci alias « Bison » y mènent un train de vie ostentatoire, alternant entre voitures de sport, bars à chicha et hôtels de luxe. Kerbouci, par exemple, est devenu vice-champion de courses automobiles dans la région.
Une coopération judiciaire encore limitée
Malgré les arrestations récentes, les procédures d’extradition depuis Dubaï restent complexes. Les exigences administratives, jugées parfois « absurdes », ralentissent considérablement les efforts des autorités européennes.
« Nous avons identifié une trentaine de cibles prioritaires à Dubaï. Aucun de ces trafiquants n’a été extradé, malgré des arrestations. » — Jean-Noël Bonnieu, Quai d’Orsay.
Vers un exode des narcos ?
Face à la pression croissante, certains barons envisagent déjà de nouveaux refuges :
- La Turquie, un hub émergent pour le crime organisé.
- Le Maghreb et des destinations comme Bali en Asie du Sud-Est.
Des figures comme Tarik Kerbouci seraient déjà en fuite vers d’autres pays, laissant présager un déplacement des réseaux criminels internationaux.
Conclusion : un signal ou un mirage ?
Si les récentes arrestations marquent un tournant, Dubaï reste une place forte pour les narcotrafiquants grâce à ses systèmes financiers opaques et son immobilier attractif. La coopération judiciaire devra se renforcer pour que ce signal ne reste pas un simple mirage sous le soleil des Émirats.
Regards Actuels avec AFP – Arthur CONNAN, avec les bureaux de l’AFP à Marseille, Madrid, Bruxelles et La Haye